La très excellente et très pitoyable tragédie de Roméo et Juliette

William Shakespeare – création juillet 2011

mise en scène Julien Kosellek
avec Stéphane Auvray-Nauroy Capulet,
Fiona Emy Mercutio,
Tristan Gonzalez Roméo,
Nicolas Grandi Tybalt, Frère Laurent,
Michèle Harfaut Dame Capulet,
Luc Martin Benvolio,
Sophie Mourousi Juliette,
Franck Perruche La nourrice
lumière Xavier Hollebecq
assistanat technique Edouard Liotard Khouri Haddad

Le monde – acteurs, spectateurs, Capulets et Montaigus inclus – choisit deux de ses enfants, et après avoir profité du spectacle de leur amour, jouit du spectacle de leurs morts. Juliette et son Roméo, ces deux amants à qui Shakespeare a donné le privilège divin de se voir morts l’un l’autre (Pitoëff).

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photo Benoit Jeannot

Si l’on regarde d’un peu près, l’amour de Juliette et de son Roméo s’exprime de façon magnifiquement stupide. Il est le reflet sublimé de notre bêtise amoureuse. Cet engouement qui nous prend, cette adrénaline qui nous pousse, ce sentiment d’être hors du commun, hors la loi, hors du monde, et qui nous donne des ailes, bien éphémères et bien banales, ma foi. Nous nous sentons fous de désirer dans notre monde de loi et d’ennui.

Le sublime ridicule de nos deux amants est symbolique, exemplaire de ce que Eros a de jusqu’au-boutiste ; bien plus que nous, avouons le.

Et nous voilà à regarder ce que nous pourrions être, ce que nous rêvons de faire et que du même coup, on a moins de nécessité à faire, à vivre. Car si nous nous y mettions tous, à transgresser les règles pour mieux désirer, à ne plus « respecter les convenances » par amour, toute société d’humains courrait à la catastrophe.

De même, cette Vérone imaginaire ne peut survivre à sa face cachée, elle se doit de se purger, de sacrifier ses deux enfants et leur désir hors les lois.

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photo Benoit Jeannot

Cet amour impossible est indispensable à cette société qui l’interdit. Il est le monstre d’une société qui ne pouvait que l’engendrer. L’engendrer pour le mettre à mort ; on tue toujours ses monstres, et puis il faut bien sacrifier quelqu’un. Pour avoir le sentiment d’être en vie, on a besoin d’une mise à mort. Pour la conservation du système, il nous faut des lignes à ne pas dépasser. Pour survivre à nos phantasmes, il faut que d’autres se brûlent les ailes pour nous.

Nous voilà donc en face d’un amour à la fois né de la machine sociale et mis à mort par elle. Une histoire venue de notre besoin de voir du sang et des larmes, venue de notre besoin vital de sentir le souffle d’Eros comme jamais nous ne le sentirons.

Le monde – acteurs, spectateurs, Capulets et Montaigus inclus – choisit deux de ses enfants pour être le spectre de ses phantasmes amoureux et après avoir profité du spectacle de leur amour, jouit du spectacle de leurs morts. Morts bien plus extraordinaires que l’amour de Juliette et de son Roméo, ces deux amants à qui Shakespeare a donné le privilège divin de se voir morts l’un l’autre (Georges Pitoëff).

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photos Benoit Jeannot

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